Il s’est levé, voici le jour sanglant;
Qu’il soit pour nous le jour de délivrance!
Dans son essor, voyez notre aigle blanc
Les yeux fixés sur l’arc-en-ciel de France
Au soleil de juillet, dont l’éclat fut si beau,
Il a repris son vol, il fend les airs, il crie:
«Pour ma noble patrie,
Liberté, ton soleil ou la nuit du tombeau!
Polonais, à la baïonnette!
C’est le cri par nous adopté;
Qu’en roulant le tambour répète:
A la baïonnette!
Vive la liberté!
Guerre ! A cheval, cosaques des déserts!
Sabrons, dit-il, la Pologne rebelle:
Point de balkans, ses champs nous sont ouvert ;
C’est le galop qu’il faut passer sur elle.
Halte ! n’avancez pas ! Ses balkans sont nos corps;
La terre où nous marchons ne porte que des braves,
rejette les esclaves
Et de ses ennemis ne garde que les morts
Polonais, à la baïonnette!
Pour toi, Pologne, ils combattront, tes fils,
Plus fortunés qu’au temps où la victoire
Mêlait leurs cendres aux sables de Memphis
Où le Kremlin s’écroula sous leur gloire:
Des Alpes au Thabor, de l’Ebre au Pont-Euxin,
Ils sont tombés, vingt ans, sur la rive étrangère.
Cette fois, ô ma mère!
Ceux qui mourront pour toi, dormiront sur ton sein.
Polonais, à la baïonnette!
Viens Kosciusko, que ton bras frappe au coeur
Cet ennemi qui parle de clémence;
En avait-il quand son sabre vainqueur
Noyait Praga dans un massacre immense?
Tout son sang va payer le sang qu’il prodigua,
cette terre en a soif, qu’elle en soit arrosée;
Faisons, sous sa rosée,
Reverdir le laurier des martyrs de Praga.
Allons, guerriers, un généreux effort!
Nous les vaincrons; nos femmes les défient.
O mon pays, montre au géant du nord
Le saint anneau qu’elles te sacrifient.
Que par notre victoire il soit ensanglanté;
Marche, et fais triompher au millieu des batailles
L’anneau des fiançailles,
Qui t’unit pour toujours avec la liberté.
Polonais, à la baïonnette!
A nous, Français! Les balles d’Iéna
Sur ma poitrine ont inscrit mes services;
A Marengo, le fer la sillonna;
De Champ-Aubert comptez les cicatrices.
Vaincre et mourir ensemble autrefois fut si doux!
Nous étions sous Paris… Pour de vieux frères d’armes
N’aurez-vous que des larmes?
Frères, s’était du sang que nous versions pour vous!
Polonais, à la baïonnette !
O vous, du moins, dont le sang glorieux
S’est, dans l’exil, répandu comme l’onde,
Pour nous bénir, mânes victorieux,
Relevez-vous de tous les points du monde!
Qu’il soit vainqueur, ce peuple; ou martyr comme vous,
Sous le bras du géant, qu’en mourant il retarde,
Qu’il tombe à l’avant-garde,
Pour couvrir de son corps la liberté de tous.
Polonais, à la baïonnette!
Sonnez, clairons! Polonais, à ton rang!
Suis sous le feu ton aigle qui s’élance.
La liberté bat la charge en courant,
Et la victoire est au bout de ta lance.
Victoire à l’étendard que l’exil ombragea
Des lauriers d’Austerlitz, des palmes d’Idumée!
Pologne bien-amée,
Qui vivra sera libre, et qui meurt l’est déjà!
Polonais, à la baïonnette!
C’est le cri par nous adopté;
Qu’en roulant le tambour répète:
A la baïonnette!